25

Les signaux d’alarme arrachèrent Jaina au sommeil. Elle avait dormi dans sa combinaison de pilote pour avoir plus chaud. Les techniciens n’étaient pas parvenus à faire fonctionner correctement le chauffage dans les quartiers des pilotes. Curieusement, celui du quartier des ingénieurs semblait fonctionner à merveille. Les exercices d’alerte étaient si fréquents que Jaina s’empara de ses bottes et de son casque sans même ouvrir les yeux.

Elle réussit à ouvrir enfin ses paupières collées par le sommeil et dévala dans le couloir qui menait à la baie d’accostage. Elle avait à peine parcouru cinq foulées que la gravité artificielle de la lune fut interrompue. On venait apparemment de mettre en route les boucliers déflecteurs du satellite. Les problèmes énergétiques avaient été continuels et, au vu de ce qui était en train de se produire, on n’avait toujours pas trouvé de solution. Une rumeur circulait disant que quelqu’un s’était trompé d’une décimale en calculant le budget de l’opération et que la réserve énergétique d’Ebaq Neuf était en fait à dix pour cent de ce dont on avait besoin.

Jaina se servit de la Force pour se propulser en avant. Elle agrippa Vale au passage. Sa coéquipière était en train de se démener péniblement dans la gravité réduite, incapable de se servir de ses pieds pour avancer. Arrivée dans la baie d’envol, Jaina poussa Vale en direction de son chasseur stellaire puis se dirigea vers son Aile-X. R2-B3, son droïde astromécanicien, qui n’avait pas quitté la baie, se trouvait déjà à son poste. Il avait mis en route tous les systèmes électroniques, allumé les répulseurs et préchauffé les quatre moteurs ioniques.

Le droïde poussa un trille de bienvenue lorsque Jaina se sangla dans son siège. La jeune femme observa les derniers pilotes de son escadron courir, flotter et tourbillonner vers leurs chasseurs en l’absence de gravité. Lorsque le dernier annonça dans le comlink qu’il était prêt, Jaina ouvrit un canal de communication avec le Contrôle d’Ebaq.

— Ici Jumeau Un. Escadron des Soleils Jumeaux prêt pour le lancement.

— Décollage immédiat, Jumeau Un ! Le bouclier du secteur Douze est ouvert rien que pour vous !

L’agent du Contrôle d’Ebaq semblait bien énervé.

— Bien compris, répondit-elle. (Elle bascula sur le canal de communication commun aux appareils.) Attention vous tous, nous avons l’autorisation de décoller. En route !

L’Aile-X de Jaina s’éleva sur ses répulseurs et flotta en direction des portes de la baie d’accostage. Lorsque les deux panneaux massifs s’ouvrirent enfin, elle enclencha ses moteurs ioniques et se lança à travers la semi-pénombre du champ constellé d’étoiles.

Dans l’espace, elle attendit que les autres membres de son escadron aient décollé et se soient rassemblés en formation derrière son chasseur. Elle jeta un coup d’œil à ses moniteurs et vit les vaisseaux capitaux de Farlander en position à huit minutes-lumière de là. Tous venaient de larguer leurs bataillons de chasseurs stellaires. Au-delà de Farlander, une multitude de points lumineux venait d’apparaître sur l’écran, annonçant la présence de centaines de milliers d’appareils ennemis.

Une décharge d’adrénaline lui parcourut le corps et les dernières traces de sommeil furent totalement balayées. Ce n’était pas un exercice. Il s’agissait d’une force d’assaut à laquelle ils n’avaient pas eu l’occasion de se frotter depuis la prise de Coruscant.

C’est alors que Jaina sentit un tressaillement dans la Force, une onde lui signalant qu’un esprit puissant était en train de se concentrer sur elle, comme un projecteur sur un insecte nocturne désemparé. L’horreur s’empara d’elle lorsqu’elle identifia enfin la sensation.

Un voxyn…

Les hurlements des voxyns s’élevèrent tout autour de Tsavong Lah. Il sentit le triomphe monter en lui, pareil à un vent glorieux. Il leva les bras et ses mains griffues vers le plafond comme pour déchirer le ciel.

Les Jeedai. Les Jeedai étaient bien là ! Cette larve répugnante de Nom Anor avait raison.

Au-dessus de sa tête, les scarabées incandescents se mirent à voleter en tous sens avant de former une représentation tridimensionnelle du champ de bataille. Le rythme de leurs battements d’ailes et l’éclat de leur abdomen écarlate permettait d’identifier le statut et la taille de tous les vaisseaux, alliés ou ennemis, présents alentour.

Les voxyns poussèrent de nouveaux hurlements. Tsavong Lah se sentit animé d’une joie féroce.

— Par Yun-Yuuzhan ! s’exclama-t-il. Ce sacré intendant avait raison !

Les forces de la Nouvelle République étaient largement inférieures en nombre. Il ne faisait plus aucun doute que, s’il existait une possibilité de s’enfuir, l’ennemi ne manquerait pas de le faire. Mais Ebaq était une impasse, il n’y avait aucune retraite possible. Ils seraient obligés de se battre.

Et si les Jeedai tentaient d’aller se cacher sur Ebaq Neuf, ou sur n’importe quel autre corps céleste du système, Tsavong Lah lâcherait ses voxyns. Six de ces créatures traqueuses de Jedi ne se trouvaient pas sur Myrkr lorsque le reste de l’espèce avait été décimé. Les voxyns avaient une très courte espérance de vie et ces derniers spécimens approchaient visiblement de leur fin. Leurs écailles vertes avaient jauni et leurs yeux étaient voilés et fatigués. Mais, dès qu’ils avaient senti les Jedi dans les parages, les monstres étaient sortis de leur léthargie et fouettaient l’air de leur queue, avec impatience.

Les terminaisons nerveuses du trône de commandement se tortillèrent au-dessus de la tête de Tsavong Lah, lui fournissant des données tactiques et lui permettant de rester en contact avec le yammosk embarqué à bord du Sacrifice de Sang. La créature pouvait mentalement diriger les milliers de vaisseaux, coraux skippers et de cargos au moindre ordre du Maître de Guerre. Des subalternes, apprentis et scribes – gardiens des villips qui permettaient à Tsavong Lah de contacter tous ses escadrons – étaient rassemblés en cercle autour du trône de commandement.

Tsavong Lah perçut la confusion soudaine du yammosk. L’ennemi était en train de brouiller ses signaux. Cela n’avait pas grande importance, les probabilités étaient très largement en sa faveur. Tsavong Lah émit des ordres qui furent retransmis par les villips des subalternes qui se trouvaient autour de lui.

— Que le groupe de combat de Yun-Yammka avance et attaque l’ennemi ! Que les groupes de combat de Yun-Txiin et de Yun-Q’aah avancent de part et d’autre de l’ennemi pour le prendre en tenailles ! Que les groupes de combat de Yun-Yuuzhan et de Yun-Harla restent en réserve !

Le groupe de combat baptisé Massacreur Divin se lancerait en premier dans l’offensive. Les groupes baptisés Amants Divins convergeraient vers l’ennemi, comme pour l’embrasser avant de le détruire. Les deux autres groupes, y compris celui du Maître de Guerre, resteraient en réserve afin de poursuivre l’ennemi dans l’hyperespace au cas où il tenterait de s’enfuir. Mais il y avait peu de chance que les infidèles réussissent à s’échapper, coincés comme ils l’étaient dans le puits gravifique de l’énorme géante gazeuse.

Les accusés de réception affluèrent de la part des différents commandeurs des groupes de combat. Les scarabées incandescents étincelèrent de plus belle et changèrent de position selon les ordres donnés.

L’ennemi manœuvrait avec précaution, essayant de conserver sa position entre le groupe de Yun-Yammka et Ebaq Neuf. Cela convenait parfaitement au Maître de Guerre. Les défenseurs représenteraient une cible lente et facile contre laquelle il pourrait catapulter ses forces considérables en une offensive de submersion.

La satisfaction de Tsavong Lah rayonna lorsqu’il observa l’ennemi courir vers son inévitable destruction. Le groupe de combat de Yun-Yammka mit les ordres à exécution, se répartissant sur une longue ligne pour mieux attaquer, à deux vaisseaux capitaux Yuuzhan Vong contre un appareil ennemi. C’est alors que Tsavong Lah sentit un changement dans la formation des infidèles. Les scarabées changèrent de position, variant très subtilement leurs bourdonnements et leurs éclats pour dessiner une nouvelle configuration.

Le Maître de Guerre observa les insectes avec un sentiment de malaise soudain. L’escadron ennemi venait de passer d’une longue colonne de vaisseaux à une formation compacte, en forme de flèche, pointée directement vers le premier groupe de combat Yuuzhan Vong. Les escadrons de la Nouvelle République, dans un déchaînement de feu intense, pénétrèrent dans les rangs ennemis et pulvérisèrent les premières lignes des envahisseurs. Huit des plus gros vaisseaux Yuuzhan Vong, frappés par la puissance combinée de tous les canons ennemis, furent détruits ou endommagés par la première vague d’assaut.

Les griffes de vua’sa qui terminaient la jambe de Tsavong Lah s’agrippèrent au trône sous le coup de la colère du Maître de Guerre. Celui-ci proféra pourtant un nouvel ordre sur un ton extrêmement calme.

— Que le groupe de Yun-Yammka attaque les infidèles en combat rapproché.

Les Yuuzhan Vong essuyèrent encore de nombreuses pertes lorsque les vaisseaux dispersés eurent à affronter la formation compacte de l’ennemi. Mais, avec les groupes de Yun-Txiin et de Yun-Q’aah, les Yuuzhan Vong étaient toujours supérieurs en nombre et cela s’avérerait particulièrement efficace lorsque les trois groupes seraient en position d’envelopper l’ennemi pour l’exterminer.

La bataille appartenait toujours à Tsavong Lah. Elle durerait juste un peu plus longtemps que prévu. Et le temps était un élément dont le Maître de Guerre n’avait pas peur.

 

Dans une pièce aux odeurs mélangées de protéines et de sang coagulé, quelque part dans les entrailles de la damutek des intendants, Nom Anor se tenait face à son supérieur Yoog Skell, un villip à la main. Le villip avait adopté le visage d’un exécuteur embarqué à bord du vaisseau amiral de Tsavong Lah, c’était l’un des rares membres de la caste des intendants à faire partie du corps expéditionnaire.

— L’ennemi réagit très bien, dit l'Exécuteur. Mais nous allons tout de même le réduire à néant. Nous sommes très largement supérieurs en nombre.

Yoog Skell grogna, tout en faisant les cent pas.

— Ils nous ont pris par surprise, marmonna-t-il. J’ai horreur des surprises. Et le Seigneur Suprême Shimrra déteste les surprises…

 

Lorsque l’appel arriva, Mara se trouvait seule dans l’appartement des Skywalker à contempler les hologrammes de son fils. Elle alla jusqu’à la console et vit le visage de Winter qui la regardait calmement.

— C’est commencé, annonça Winter. Ackbar et moi, nous partons pour le quartier général de la Flotte. Vous pouvez nous y rejoindre, si vous le souhaitez.

Mara sentit sa bouche se dessécher soudainement.

— Bien sûr, dit-elle. J’arrive tout de suite.

 

Ça ne marche pas. La pensée indistincte fut transmise à Jaina par Madurrin, en poste sur la passerelle du vaisseau de Farlander.

Qu’est-ce qui ne marche pas ?

Le brouillage de la Supercherie. Ce précieux système qui identifiait faussement les vaisseaux ennemis, leur laissant croire qu’ils appartenaient à l’autre camp et obligeant les Yuuzhan Vong à se tirer mutuellement dessus.

Un autre coup de malchance. Mais Jaina était trop frénétiquement absorbée par sa tâche pour s’apitoyer sur son sort. Elle approchait de sa cible.

— Larguez les bombes furtives !

Jaina propulsa le projectile devant elle au moyen des ondes de la Force et tira sur son manche pour modifier légèrement la trajectoire de son Aile-X. Devant elle, le croiseur ennemi qu’elle avait pour cible essuyait les tirs de blaster nourris de l’escadron tout entier de Keyan Farlander. Les volées de missiles tourbillonnaient dans l’espace entre les vaisseaux illuminés par le feu des turbolasers.

— Bombe larguée ! dit Tesar d’une voix sifflante.

Lowbacca grogna à son tour, signalant qu’il avait également projeté son missile vers l’ennemi.

Le Général Farlander ne s’était pas contenté de percer les défenses de la formation ennemie une première fois. Il avait ordonné à son escadron de faire demi-tour et d’attaquer une deuxième fois, avant que les Yuuzhan Vong aient eu le temps de se rassembler.

Jaina perçut Tesar et Lowie dans la Force, ainsi que les bombes furtives que tous trois étaient en train de guider vers leurs ennemis. Plus loin, à bord du vaisseau amiral du Général Farlander, elle sentit également la présence de Madurrin. En tant que seuls Jedi dans le système, ils étaient trop peu nombreux pour créer un lien mental digne de ce nom. Mais les trois Jedi qui conduisaient les formations serrées de l’Escadron des Soleils Jumeaux étaient si proches et si expérimentés dans leur travail que le lien n’était alors guère nécessaire.

— Coraux skippers en vecteur deux, Major, annonça Vale d’une voix calme. Sur trajectoire d’interception.

— Virez sur l’aile pour attaquer… Maintenant !

Jaina fit pivoter son Aile-X et enclencha les quadrimoteurs de l’appareil. Faire directement face à l’ennemi pour l’attaquer était bien plus confortable que de le laisser talonner les Soleils Jumeaux.

Droit devant, des éclairs signalèrent que l’ennemi avait ouvert le feu et décoché un flux continu de projectiles.

— Inversez les positions. En quinconce ! dit Jaina.

Elle étendit ses boucliers déflecteurs avant et sentit que Jumeau Trois était en train de manœuvrer en accord avec elle. Les boucliers combinés des deux Ailes-X protégeraient les quatre appareils de la formation. Elle commença à arroser l’ennemi de tirs de laser, imaginant que cela n’aurait pas grand effet. Il ne faisait aucun doute que les Yuuzhan Vong avaient déployé leurs basals dovins pour parer au feu allié.

Les projectiles Yuuzhan Vong s’écrasèrent sur les déflecteurs. Volant d’instinct, aidée par la Force, Jaina cligna des yeux pour se protéger des brillantes explosions et tenter de lire ses instruments. Il fallait qu’elle surveille la jauge de ses boucliers afin de savoir quand la surchauffe énergétique deviendrait critique.

Ce fut en fait R2-B3 qui lui adressa le message d’alerte.

— Inversion, maintenant ! cria-t-elle avant de décélérer.

Jumeau Un et Jumeau Trois se replièrent, cédant leur place à Jumeau Deux et Jumeau Quatre. Les boucliers en parfait état de ces derniers permirent de protéger à nouveau la formation avec efficacité. C’était une manœuvre de précision et la marge de tolérance des quatre chasseurs stellaires n’excédait pas quelques centimètres.

Grâce à des exercices incessants et à leur mise en pratique au combat, l’Escadron des Soleils Jumeaux avait réalisé d’énormes progrès depuis la bataille livrée autour du Tonnerre Distant. A l’époque, Jaina n’avait pu que demander à ses ailiers de se mettre en ligne et de suivre les ordres de leurs chefs d’équipe respectifs.

Les coraux skippers, pareils à des masses floues, passèrent en trombe devant elle sur la trajectoire convergente. Elle aurait pu ordonner à son escadron de rompre la formation pour les pourchasser, mais exécuter une telle manœuvre tout en continuant les combats aurait pris trop de temps. Il fallait qu’elle reste près de Farlander et de sa formation compacte, afin de ne pas se trouver trop loin d’éventuels renforts.

— Virage à gauche, soixante degrés, annonça Jaina.

Cette trajectoire leur permettrait de rejoindre la flotte de Farlander.

Au cours de la manœuvre, elle fut en mesure d’apercevoir le croiseur ennemi, juste à temps pour assister à l’explosion des trois bombes furtives déchiquetant ses flancs. Elle vit le vaisseau trembler de toute sa structure à chaque nouvelle déflagration.

Sur le canal de communication, elle entendit le ricanement sifflant de Tesar. Elle fut surprise de constater que le Barabel trouvait la situation amusante. Mais le ton de Tesar redevint vite très sérieux.

— Coraux skippers droit derrière, chef Jumeau.

— Accélération maximale, répondit Jaina en poussant sur la commande des gaz.

Ses moniteurs lui signalèrent la présence d’un très grand nombre d’ennemis, bien plus que ce qu’elle parvenait à appréhender. Son expérience au combat lui indiqua cependant que les forces adverses étaient en train de coordonner une riposte à l’attaque de Farlander. Il avait traversé la ligne des Yuuzhan Vong par deux fois, détruisant des vaisseaux à chaque reprise, et il semblait évident que les Yuuzhan Vong ne le laisseraient pas recommencer une troisième fois. Les vaisseaux les plus proches semblèrent conserver leurs distances alors que les plus éloignés accélérèrent afin de resserrer les rangs. Des nuées de coraux skippers jaillirent dans toutes les directions. Bientôt, Farlander serait submergé par cet ennemi supérieur en nombre, il serait coincé et impitoyablement détruit, comme un fétu de paille dans l’énorme poing d’un lutteur de foire.

Sans oublier les deux gigantesques escadrons qui arrivaient par les flancs. Ainsi que les deux qui demeuraient encore sur leur réserve.

Le feu ennemi incendia les bouchers arrière de Jaina pendant sa manœuvre d’esquive. Il y eut un nombre considérable de projectiles. Apparemment, les coraux skippers qui les talonnaient leur décochaient tout ce qu’ils avaient en réserve. Jaina vira à gauche, à droite, mais cela ne servit pas à grand-chose. La quantité des missiles était effarante.

Les poursuivants abandonnèrent la chasse lorsque l’escadron de Jaina rejoignit la protection des lignes de feu croisées des vaisseaux capitaux de Farlander. Mais cela n’avait plus beaucoup d’importance. Les tirs étaient si nourris, provenant de tant de directions à la fois que Jaina s’aperçut que ses déflecteurs étaient continuellement pilonnés bien que personne ne parût la viser particulièrement.

— Croiseur allié à bâbord, dit-elle. Allons lui prêter main-forte.

Elle lança l’Escadron des Soleils Jumeaux dans une manœuvre de ratissage à grande vitesse afin de détruire le plus possible de coraux skippers, occupés jusqu’alors à bombarder le croiseur. Ils venaient juste de se regrouper pour procéder à un nouveau pilonnage et représentaient donc une cible parfaite. L’un d’eux disparut dans les flammes, frappé par les quadrilasers de Jaina. Elle pensa également en avoir touché un avec ses missiles.

— Tonneau sur la droite, ordonna-t-elle.

Mais un éclair aveuglant se produisit à proximité, suivi d’un bref hurlement dans la Force. Une impulsion mentale qui fit monter les larmes aux yeux de la jeune femme stupéfaite.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle.

— Jumeau Deux, annonça Jumeau Trois. Elle a disparu.

— Comment ça, disparu ? dit Jaina.

— Elle ne s’est pas dégagée à temps, dit Jumeau Trois, visiblement abasourdi. Un gros projectile a frappé son chasseur. Il a été pulvérisé.

— Qui a tiré sur elle ?

Les mains de Jaina s’activèrent sur les contrôles afin de préparer l’escadron à une riposte immédiate.

— Personne en particulier. Un tir perdu. Ça ne manque pas par ici.

— Sans blague ? ajouta quelqu’un.

Vale, songea Jaina. Une autre équipière disparue, tout comme Anni Capstan. La première perte essuyée par le groupe depuis la bataille du Tonnerre Distant, la première depuis que l’Escadron des Soleils Jumeaux était devenu, aux mains de Jaina, une formation parfaite, très bien entraînée.

La première, se dit Jaina au bord de la nausée, mais certainement pas la dernière.

Elle ravala ses larmes et sa peine. Elle devait retrouver le contrôle de ses émotions.

— Jumeau Trois, Jumeau Quatre, restez avec moi, dit-elle. On vire à droite.

La manœuvre de retournement la plaça en position inversée par rapport à l’escadron de la Nouvelle République et elle put ainsi observer les combats par la verrière de son cockpit. Elle aperçut un croiseur de classe République encaisser une violente décharge de feu. Les compartiments éventrés laissèrent échapper des cristaux de glace d’oxygène congelé. L’espace entre les énormes vaisseaux grouillait de chasseurs alliés et ennemis.

Une intense activité se concentra autour du croiseur de classe République. Une horde de coraux skippers fusa sur lui, bientôt suivie par deux escadrons d’Ailes-E.

— Combat de chasseurs stellaires au zéro-trois-zéro, annonça Jaina. Chaque unité se positionne en échelon. Chaque pilote se choisit une cible. On se rassemble de l’autre côté. Récupérez chacun votre ailier et rassemblez-vous ensuite derrière moi. C’est compris ?

C’était compris. Elle les avait bien entraînés.

— Ça, c’est pour Vale… dit-elle, luttant pour ne pas pleurer et enclenchant la commande de l’accélérateur.

Elle sentit Lowie, Tesar et Madurrin lui envoyer de l’énergie dans la Force et elle les en remercia de la même façon.

Pour sa première cible, elle choisit un corail skipper qui se préparait à décocher un rayon vers une Aile-E. Son premier tir fit diversion, mais elle synchronisa parfaitement le mouvement de son appareil, relevant très légèrement le nez avant d’enclencher ses quadrilasers. Le corail skipper explosa au second tir. Elle traversa en trombe le champ de débris et décocha un missile vers la poupe d’un autre corail skipper qui se trouvait dans son axe. Elle eut la satisfaction de voir l’engin ennemi se disloquer avant même de traverser la zone d’activité intense et de faire irruption dans la zone plus calme qui s’ouvrait de l’autre côté.

Plus calme n’était qu’une vue de l’esprit. Le vide cosmique était strié en tous sens de rayons, de missiles, de coups de canon apparemment dirigés sur quelque chose mais animés par un caractère aussi aléatoire qu’effrayant.

— Regroupez-vous derrière moi ! appela Jaina frénétiquement tout en inspectant ses scanners.

La voix sifflante de Tesar retentit dans l'intercom.

— Nous sommes attaqués, chef Jumeau ! Ce Barabel aurait besoin d’assistance !

— J’arrive ! (Elle regarda son moniteur et repéra le signal de Tesar, derrière elle.) Jumeau Trois, Jumeau Quatre, avec moi ! Lowie, emmène ta formation et…

Un rugissement de Lowbacca lui indiqua qu’il avait compris l’ordre de Jaina avant même qu’elle n’ait terminé sa phrase.

Jaina tira sur son manche, espérant qu’elle ne serait pas réduite en poussière au moment où elle perdrait en vélocité. Elle exécuta une demi-vrille pour virer afin de se tenir hors de vue de l’ennemi.

Lorsqu’elle eut achevé sa manœuvre, la vue qui s’offrait à elle lui coupa le souffle.

Une frégate ennemie s’était rangée le long du croiseur de classe République. L’espace qui les séparait n’était qu’un maelström de furieux rayons énergétiques. Les deux énormes appareils se pilonnaient l’un l’autre à bout portant. Autour des deux vaisseaux capitaux évoluaient environ deux cents appareils plus petits, accélérant, esquivant, se donnant la chasse et se canardant. Elle aperçut au moins une douzaine d’engins prendre feu simultanément.

La plupart des petits engins appartenaient aux Yuuzhan Vong. Mais d’autres vaisseaux ennemis semblaient jaillir de nulle part à chaque seconde qui s’écoulait. Le Général Farlander serait bientôt submergé.

— Restez avec moi, Trois et Quatre, dit-elle aux membres de son équipe. Allez, c’est parti !

Elle poussa le manche vers l’avant. Ce faisant, elle perçut la présence de prédateur de Tesar dans la Force. Elle lui adressa une onde réconfortante. Et puis, toujours dans la Force, elle envoya un message à Madurrin. On a besoin d’aide !

Madurrin projeta des ondes de calme dans la Force ainsi qu’une sensation signalant que les renforts étaient en route. L’échange mental fut bientôt suivi par l’apparition de témoins lumineux étincelants sur le moniteur de Jaina. D’autres appareils venaient de sortir de l’hyperespace. Le cœur de Jaina bondit dans sa poitrine, sentant soudain sa perception psychique s’étendre dans l’espace. De nouvelles personnalités envahirent alors son esprit : Kyp Durron, Saba et ses Chevaliers Errants, Zekk, Corran Horn, Alema Rar. Et Jacen. Jacen, aux premières loges sur la passerelle du croiseur Bothan Ralroost.

Nous arrivons ! Le message dans la Force retentit comme une grande clameur.

Ravie de vous voir ! transmit Jaina, observant un corail skipper qui venait d’apparaître dans son champ de vision. Il fallait qu’elle débarrasse Tesar de ses poursuivants.

Elle pressa la détente de ses lasers.

 

Un nouveau hurlement s’éleva de la meute de voxyns. Tsavong Lah, stupéfait, observa une grande quantité de scarabées incandescents décoller du sol et venir dessiner les nouvelles formations ennemies sur la carte vivante de la passerelle. Cette force est très conséquente, songea-t-il, et de taille à affronter mes vaisseaux.

Pas si conséquente que cela, finit-il par constater. Il devina qu’un grand nombre de vaisseaux ennemis étaient de simples gros porteurs, qui regagnèrent très vite l’hyperespace, abandonnant le reste de la flotte sur le champ de bataille. Apparemment, cette nouvelle force était un convoi de ravitaillement accompagné de son escorte. Il n’y avait donc rien d’anormal à ce qu’ils se trouvent dans les parages.

Les nouveaux arrivants étaient apparus au moment où il allait ordonner aux groupes de combat de Yun-Txiin et de Yun-Q’aah de terminer leur manœuvre d’encerclement pour détruire les infidèles. Mais cette force demeurait sur l’un des flancs Yuuzhan Vong, près du groupe de Yun-Txiin. En donnant l’ordre d’encerclement, il y aurait de fortes chances pour que ses guerriers soient attaqués par l’arrière.

— Que le groupe de combat de Yun-Txiin s’attaque à la nouvelle formation ! dit-il. Le groupe de Yun-Q’aah va se placer en position de soutien mais n’attaquera que sur mon commandement. En attendant, que le groupe de Yun-Q’aah aille aider le groupe de Yun-Yammka et règle leur compte aux infidèles.

Ce qui signifiait qu’il ne resterait plus que le groupe de Yun-Yuuzhan en réserve au cas où une autre surprise se produirait.

Dans ce groupe se trouvaient les transporteurs de troupes destinés à la prise d’Ebaq Neuf, attendant d’abord que la flotte ennemie soit anéantie dans l’espace.

Les Yuuzhan Vong étaient toujours supérieurs en nombre. Et, puisque les voxyns avaient encore hurlé, cela signifiait que d’autres Jedi se trouvaient parmi les nouveaux venus. D’autres sacrifices pour nos dieux, songea-t-il avec satisfaction. Il se laissa aller contre le dossier de son trône de commandement et observa ses forces avancer vers la victoire.

 

Par le truchement du lien mental Jedi, Jacen perçut la présence de Jaina dans son cockpit. Il sentit sa détermination, son analyse froide de la situation, ainsi que les relents de panique qui, de temps en temps, manquaient de lui faire totalement perdre son calme.

— Corail skipper sur vecteur six ! Je dégage par la droite !

— Ce Barabel vient de le détruire ! annonça Tesar.

Merci ! Il ne s’agissait pas de mots à proprement parler mais d’images et d’impulsions dans la Force qui pouvaient aisément se traduire ainsi.

Jaina, les Soleils Jumeaux et tous les vaisseaux de Farlander se battaient farouchement contre les probabilités. Les nouveaux arrivants, appuyés par la plupart des Jedi de la Flotte, s’apprêtaient à attaquer l’un des impressionnants groupes d’assaut qui menaçaient les flancs de Farlander.

Il y avait bien trop d’appareils en jeu pour réellement assimiler toutes les manœuvres. Heureusement, les trois cinquièmes des appareils ennemis ne s’étaient pas encore jetés dans la bataille. Jacen pouvait donc, en toute sécurité, les maintenir temporairement hors de ses pensées.

Il transmit des coordonnées, manœuvrant les forces de Kre’fey pour qu’elles assurent une efficacité maximale au moment de l’impact.

— Larguez le missile dovin ! ordonna l’Amiral Kre’fey.

Il était bien trop excité pour rester assis dans son grand fauteuil de commandant et faisait les cent pas derrière Jacen. Si Kre’fey continuait à arpenter ainsi le pont, Jacen finirait par trouver cela fort irritant.

— Missile dovin largué, Monsieur.

— Transmettez les coordonnées de la mine spatiale au Général Farlander.

— Coordonnées transmises, Monsieur.

— Merveilleux ! (Jacen entendit Kre’fey taper dans ses mains.) Les choses se passent plutôt bien, non ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Mais l’esprit de Jacen n’était guère préoccupé par ce qui se passait sur la passerelle du vaisseau amiral. Il était concentré sur l’Escadron des Soleils Jumeaux et sur le combat désespéré que Jaina était en train de mener.

Raté !

Lowie, fais attention !

Jacen envisagea, l’espace d’un instant, de faire appel à son sens Vong, à sa capacité de lire dans les pensées de l’ennemi, voire de l’influencer. Mais cela signifierait rompre le lien avec la Force et s’empêcher de porter secours à ses camarades. Il décida que le maintien du lien psychique demeurait la meilleure option.

— J’ai perdu mes déflecteurs arrière !

— Je viens de larguer mon dernier missile !

Fiez-vous à la Force, transmit Jacen. Il ferma les yeux et projeta sur les ondes mentales autant d’attention, d’énergie et de réconfort qu’il le pouvait.

Derrière lui, tapie dans la Force, il perçut une autre présence, une présence puissante mais dissimulée qui projetait de l’énergie. Une énergie uniquement destinée à Jacen.

Vergere.

 

A trente années-lumière des combats, sur un passage étroit de la longue route hyperspatiale qui conduisait à Ebaq et à ses satellites, une petite force d’intervention républicaine sortit de l’hyperespace. La plupart des engins étaient désarmés. Il ne s’agissait en rien d’une force de combat, mais sa mission était vitale.

Le commandeur de l’escadron décocha d’abord un premier missile. Un missile contenant un interdictor dont la conception s’inspirait du basal dovin Yuuzhan Vong. L’interdictor passerait pour une mine spatiale.

Une fois la mine posée au centre de la route hyperspatiale, les autres engins commencèrent à larguer d’autres mines, plus conventionnelles, équipées de systèmes de détection, de noyaux explosifs et de fusées de manœuvre. Les engins de destruction prirent immédiatement position autour de la mine basal dovin.

Et les vaisseaux dépourvus d’armes larguèrent encore plus de mines. Des douzaines. Des centaines. Des milliers.

Des centaines de milliers.

 

— Je l’ai eu ! cria Jumeau Six.

Elle venait tout juste de désintégrer un corail skipper qui talonnait Lowie. Le Wookiee poussa un grondement de remerciement.

Jaina cligna des yeux pour en chasser la sueur qui tombait de son front et lança son Aile-X dans un virage vers la droite afin d’éviter des décharges de feu plasmique. Au passage, elle décocha un rayon laser de diversion vers un corail skipper qui filait à proximité. Mais le basal dovin du Yuuzhan Vong aspira le rayon et Jaina se retrouva obligée d’esquiver une autre volée incendiaire arrivant vers elle sur son flanc bâbord. Le tir en question provenait d’un allié. Les rayons laser avaient été décochés par une Aile-B et seraient mortellement redoutables. Jaina ne souhaita donc pas se trouver en travers de leur passage.

— A tous les vaisseaux, tonna une voix sur le canal de commandement. Ici le Général Farlander. Modifiez simultanément votre trajectoire pour rejoindre les coordonnées suivantes…

Jaina essaya de comprendre les coordonnées en question et échoua. Elle devait donc s’en remettre à ce qu’elle verrait pour suivre le mouvement, en espérant qu’elle réussirait à se sortir prestement de la zone dans laquelle elle se trouvait, une zone bourrée de vaisseaux ennemis et alliés, de débris à la dérive et de tirs mortels fusant au hasard.

— C’était quoi, les coordonnées ? demanda Jumeau Neuf.

— Je n’ai rien compris non plus, ajouta Jumeau Quatre.

— Changement de cap à mon signal, continua Farlander. Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un. Top !

Jaina vit les massifs vaisseaux capitaux qui l’entouraient virer pesamment vers une nouvelle direction et allumer leurs propulseurs. Les Yuuzhan Vong mirent un petit moment à réagir, mais, très rapidement, ils accordèrent leurs déplacements à la manœuvre de Farlander.

Exception faite, bien entendu, de tous ceux qui ne pouvaient pas suivre. Les vaisseaux endommagés ou détruits, ceux qui étaient en rade ou bien avaient échappé au contrôle de leur pilote, alliés ou ennemis, restèrent à la traîne ; et puis Jaina, bien trop absorbée par son duel contre les chasseurs Yuuzhan Vong pour coller au reste de la flotte. Si elle se décidait à rectifier son cap afin de suivre Farlander, elle serait immédiatement pulvérisée par une douzaine d’engins ennemis.

— Escadrons ! Formez une colonne ! ordonna Farlander.

— Attention ! hurla Jumeau Trois.

Des tirs adverses bombardèrent les boucliers de poupe de Jaina. Elle lança son chasseur dans une vrille d’esquive et son droïde astromécanicien poussa un sifflement colérique à rencontre des assaillants.

— Tonneau à gauche, dit-elle, probablement plus pour elle-même car elle se doutait que les autres ne se souciaient guère de ses manœuvres.

A priori, les autres membres de l’Escadron des Soleils Jumeaux volaient en solo, ils avaient été tellement séparés dans la mêlée qu’ils étaient incapables de se défendre mutuellement.

Il y eut un éclair. Des débris rebondirent sur les boucliers de Jaina.

— C’était qui, ça ? demanda Jumeau Sept.

— Jumeau Neuf… dit Tesar d’une voix calme.

Mais Jaina perçut sa colère dans la Force.

— Le pilote s’est éjecté ?

— Négatif.

Et la colère s’empara également de Jaina. Elle venait de perdre un autre pilote. Elle ne s’était même pas rendu compte que Jumeau Neuf était en danger.

Il est temps d’aller casser du Yuuzhan Vong, décida-t-elle. Après tout, elle était là pour ça. Elle chercha des yeux un corail skipper et l’aligna dans son collimateur.

 

Tsavong Lah constata avec grand plaisir que l’escadron de Farlander était en train d’essayer de fuir la zone de feu. La manœuvre soudaine avait pris les Yuuzhan Vong par surprise, mais le groupe de combat de Yun-Yammka avait promptement réagi et s’accrochait avec ténacité aux basques de l’ennemi. Le groupe de combat de Yun-Q’aah avait modifié son cap sur une trajectoire d’interception et rejoindrait bientôt la bataille pour exterminer les infidèles.

Le plaisir du Maître de Guerre ne fit qu’augmenter lorsque le groupe de Yun-Txiin, dans la plus grande tradition Yuuzhan Vong, éperonna l’escadron récemment surgi de l’hyperespace. Les scarabées incandescents, volant au-dessus de sa tête, modifièrent leurs bourdonnements lorsque les missiles et les autres projectiles commencèrent à infliger des dommages.

Un changement soudain dans les battements d’ailes des insectes attira l’attention du Maître de Guerre et celui-ci écarquilla les yeux sous l’effet de la surprise. L’escadron de Farlander venait de procéder à un nouveau changement de cap de façon particulièrement radicale. Tsavong Lah ne parvenait pas à croire à la vitesse à laquelle les vaisseaux capitaux de la Nouvelle République effectuaient une spirale à deux cent soixante-dix degrés. Une telle manœuvre était impossible. Et pourtant, ils étaient bel et bien en train de l’exécuter, sans ralentir l’allure, abandonnant le groupe de combat de Yun-Yammka derrière eux.

Ses nerfs se glacèrent lorsqu’il comprit que le nouveau cap des infidèles filait droit sur l’affrontement se déroulant entre le groupe de combat de Yun-Txiin et le nouveau contingent républicain. Le groupe de Yun-Txiin serait bientôt pris en tenailles et éperonné par les infidèles !

— Que le groupe de combat de Yun-Harla engage immédiatement les hostilités ! ordonna-t-il. (Cela fournirait des renforts aux troupes de Yun-Txiin et aiderait à pallier les dégâts que la manœuvre ennemie venait de causer.) Que les vaisseaux du groupe de combat de Yun-Yammka se rassemblent et se préparent à effectuer un deuxième assaut. Le groupe de combat de Yun-Q’aah va…

Il marqua une pause. D’autres insectes venaient de se mettre à décoller du sol pour dessiner quelque chose de nouveau sur la carte.

Quoi encore ? se dit-il.

 

Jacen observa l’escadron de vaisseaux capitaux de Farlander exécuter la fronde de Solo autour de la mine spatiale de basal dovin, le missile interdictor modifié décoché par le Ralroost de l'Amiral Kre’fey lors de son arrivée sur le champ de bataille. L’ennemi, lancé à leur poursuite, continuait sur sa trajectoire, incapable de suivre Farlander sans perdre de la vitesse pour entamer le virage. Quelques vaisseaux Yuuzhan Vong, par anticipation ou par hasard, réussirent à comprendre ce qui était en train de se produire. Ils suivirent le mouvement de la flotte alliée. Mais ils étaient peu nombreux et furent vite désintégrés.

Les autres seraient donc hors de combat pendant quelque temps car les énormes vaisseaux extragalactiques devraient considérablement ralentir avant de pouvoir faire demi-tour et se remettre en formation.

Beau travail, transmit Jacen à Madurrin.

Merci.

Le Ralroost trembla de toute sa structure car il venait d’encaisser un tir ennemi. Jacen se rappela aussitôt que les Bothan appelaient ce navire un croiseur d’assaut en raison de sa concentration de puissance pour les attaques, pas pour la qualité de ses boucliers ou de ses systèmes de défense.

— Brèche entre les sections M et N, annonça quelqu’un. Les protections hermétiques tiennent bon. L’équipe de réparation est en route.

— Pilonnez-les ! Pilonnez-les ! hurla l’Amiral Kre’fey, balançant dangereusement ses poings dans les airs, au-dessus de la tête de Jacen.

Les vaisseaux de Kre’fey étaient engagés dans une furieuse bataille rapprochée contre l’ennemi. Jacen avait repéré Kyp et ses Apôtres, Corran Rogue et l’Escadron Rogue, et le groupe des Chevaliers Errants, uniquement constitué de Jedi, lancés dans de frénétiques duels aériens. Les Chevaliers, tout particulièrement, déchiquetaient le front ennemi. Leurs réflexes de prédateurs étaient en parfaite synchronisation avec la Force. Un escadron uniquement constitué de Jedi représentait effectivement une équipe redoutable.

C’est alors que Jacen sentit une autre présence dans la Force. Un nouvel esprit venait de se joindre au lien psychique, un esprit incertain et manquant cruellement d’entraînement.

Salut, Maman… transmit-il en pensée.

 

La puissance absolue du lien mental stupéfia Leia, assise dans le fauteuil de copilote du Faucon Millennium. Le cargo corellien progressait en formation, avec les autres appareils de l’Alliance des Contrebandiers, autour du destroyer stellaire rouge vif l'Aventurier Errant. Leia était à peine sortie de l’hyperespace qu’elle avait ressenti les effets du lien psychique et, dans sa tête, s’était matérialisée l’image d’une frégate ennemie en proie aux flammes, se défendant contre Corran Horn et Kyp Durron ou bien repoussant les assauts vicieux autant qu’efficaces de la meute de Barabel des Chevaliers Errants. L’intensité de la vision lui coupa le souffle.

Salut, Maman. La présence de Jacen était très distincte dans la Force.

Salut, Jacen, transmit-elle avec hésitation. A l’opposé des autres participants au combat, son entraînement dans la Force avait été totalement hasardeux. Elle n’avait, par exemple, jamais eu l’occasion de s’exercer au lien mental avec les autres. Mais la puissance de la liaison était si intense qu’elle sentit son incertitude se dissiper dès qu’elle eut reçu le premier ordre de son fils.

Elle capta ensuite un deuxième message, sentit les coordonnées s’inscrire comme au fer rouge dans son esprit. Elle observa les moniteurs de navigation du Faucon et vit le point indiqué. Elle traduisit les coordonnées et pianota sur la console.

— Han ? Jacen veut que nous allions là.

— Ce que Jacen veut, Jacen l’obtient, dit Han en enclenchant le canal de commandement de son unité de communication.

Han, redevenu le Capitaine Solo, paré d’un bel insigne militaire épinglé sur sa veste civile, commandait à l’ensemble des appareils de l’Alliance des Contrebandiers depuis le cockpit du Faucon Millennium. « Je me sens plus à l’aise dans un vaisseau plus petit », avait-il déclaré à Booster Terrik, lorsque ce dernier lui avait proposé de prendre place à bord de l'Aventurier Errant. « Et puis, un destroyer stellaire représente une trop grosse cible », avait-il ajouté.

L’escadron hétéroclite de l’Alliance des Contrebandiers entreprit de changer de cap. Les gardes du corps Noghri de Leia, installés dans les tourelles des turbolasers, ricanèrent de leurs voix rauques et s’entraînèrent à quelques tirs d’essai dans le vide de l’espace. C’est alors que Leia perçut un éclair de terreur à travers le lien mental de la Force. Elle devina que Jaina était en danger.

 

— Le moment est critique, dit Ackbar…

Mara, Winter et lui étaient assis dans la galerie surplombant le centre des opérations du quartier général de la Flotte. En contrebas, Sien Sovv se tenait au beau milieu de ses assistants, de ses écrans de contrôle et d’une pile de données sans cesse remises à jour. Une représentation holographique de la bataille livrée à Ebaq Neuf flottait au-dessus de la salle. L’escadron de l’Alliance des Contrebandiers sous le commandement de Han Solo venait juste d’apparaître sur la carte et les nouveaux vaisseaux clignotaient en orange vif.

Cela représentait un contraste conséquent par rapport à la dernière fois que Mara avait vu Sovv au travail. A l’époque, le Suprême Commandeur avait été obligé de coordonner les défenses de Coruscant en plein cœur d’une session du Sénat, avec les membres de l’assistance s’évertuant à lui hurler directives ou menaces et Borsk Fey’lya, alors Chef de l’Etat, remettant en question chacun des ordres de l’amiral depuis son podium d’orateur.

Le Suprême Commandeur semblait cette fois bien plus dans son élément. Cela ne faisait aucun doute.

— C’est à cet instant que l’ennemi pourrait deviner qu’il est en train de tomber dans un piège, dit Ackbar. (Il s’affala dans son fauteuil. Sa voix était chargée de fatigue. La vie sur la terre ferme exigeait de lui un lourd tribut.) Dommage qu’il ait fallu envoyer ce nouvel escadron afin d’empêcher Farlander et Kre’fey de se laisser submerger… Heureusement, il paraît petit et inoffensif… (Il soupira tristement.) Peut-être que les Yuuzhan Vong ne se douteront de rien.

 

— Tonneau sur la gauche ! cria Jaina.

Mais un flux continu de plasma tiré par un canon vint à sa rencontre pendant la manœuvre, s’écrasant inlassablement contre ses boucliers déflecteurs en une série d’éclairs aveuglants. Elle comprit qu’elle avait un deuxième ennemi aux trousses. Si elle revenait vers la droite, elle se retrouverait immanquablement dans la ligne de mire du premier.

Heureusement, l’espace est un univers en trois dimensions et elle partit vers le haut. Un missile ennemi fusa le long de sa verrière et elle parvint à se dégager. Elle exécuta une nouvelle vrille et se lança à la poursuite de ses adversaires. Elle s’apprêta à tirer un rayon de diversion. C’est alors que R2-B3 lui adressa un avertissement et elle tira violemment sur son manche, évitant ainsi le projectile en feu qu’on avait catapulté vers elle.

— Jumeau Trois, Jumeau Quatre, je suis prise entre deux feux ! Où êtes-vous passés ? demanda-t-elle.

— Trois est touché ! cria Quatre. Il vient de s’éjecter !

— Et toi, tu es où ? demanda Jaina.

— Je n’en sais rien !

Jaina essaya une autre esquive pour se dégager et ses boucliers furent à nouveau pilonnés par un missile. Son droïde astromécanicien poussa un cri électronique en contrôlant la jauge des déflecteurs. Ceux-ci étaient sur le point de rendre l’âme. Jaina cligna des yeux pour chasser la sueur et esquiva encore. Coup de chance, un corail skipper apparut soudain dans son champ de vision. Elle enclencha ses quadrilasers et éprouva une certaine satisfaction en voyant un feu intense se propager à la surface de la coque de l’appareil ennemi. Elle ne l’avait peut-être pas abattu, mais elle avait certainement dû lui causer d’importants dégâts.

Un grondement retentit dans son écouteur. Les mains de Jaina, appuyées par la Force, se resserrèrent sur les commandes.

Le grondement fut bientôt suivi d’un autre. Cette fois, c’était un grondement de satisfaction. Lowie venait d’abattre le corail skipper qui collait aux basques de Jaina. A eux deux, Jaina et Lowie détruisirent un troisième corail skipper. Ce fut seulement à ce moment-là que Jaina eut le temps de relever la visière de son casque pour éponger la sueur de son visage avec sa main gantée. Ils se trouvaient en bordure de la zone de feu qui avait, à l’origine, enveloppé la flotte de Farlander, mais qui s’était transformée en poche de combat séparée. Chasseurs stellaires et coraux skippers se pourchassaient les uns les autres dans un périmètre relativement réduit.

Jaina sentit un appel urgent de Tesar dans la Force.

— Ce Barabel a perdu ses boucliers et un propulseur ! lança-t-il.

La Force lui indiqua où se trouvait Tesar avant même que ses détecteurs ne le localisent.

— Lowie ! dit-elle. Reste avec moi !

Et elle replongea au cœur du combat.

 

Tsavong Lah, furieux, concentra son regard sur le petit escadron qui venait d’apparaître le long du groupe de combat de Yun-Q’aah. Il était constitué d’un unique vaisseau capital, en forme de pointe de flèche, entouré d’une faible quantité d’appareils de taille moyenne et d’une multitude de petits engins. En tant que tel, l’escadron n’avait rien de très menaçant, si ce n’est qu’il pouvait s’attaquer aux arrières du groupe de Yun-Q’aah s’il décidait de se lancer dans la bataille.

Autant éliminer ce petit escadron en premier lieu, décida-t-il. Même s’il n’était pas suffisamment important pour faire basculer l’issue de l’affrontement, il était préférable de s’en débarrasser rapidement.

— Que le groupe de combat de Yun-Q’aah attaque le petit escadron sur son flanc et le détruise.

Un subalterne relaya l’ordre. Il s’entretint quelques instants avec son villip, puis il se tourna vers le Maître de Guerre et le salua en croisant ses deux bras en travers de sa poitrine.

— Le Commandeur Droog’an se demande si nous ne sommes pas tombés dans une embuscade, Ô Maître de Guerre.

Pendant un instant, les lèvres de Tsavong Lah se retroussèrent devant l’insolence de Droog’an. Mais il marqua une pause et réfléchit à la question. Toutes ces informations concernant le Dernier Rempart n’étaient-elles que des leurres destinés à l’attirer dans le Noyau Profond ? Ce manipulateur de Nom Anor n’aurait-il pas, à son tour, été manipulé ?

L’arrivée soudaine de ces deux escadrons ennemis avait effectivement quelque chose de suspect. Mais l’un d’entre eux n’était guère plus que l’escorte d’un convoi de ravitaillement. L’autre était inférieur en nombre et constitué d’un ensemble si hétérogène d’appareils qu’il n’avait absolument rien de militaire.

Si lui, Tsavong Lah, avait planifié une embuscade, il se serait servi de ses forces immenses et aurait frappé simultanément dans toutes les directions. Il ne se serait pas contenté d’envoyer deux petits escadrons pour commencer, surtout lorsque les deux formations en question n’étaient pas de taille à retarder l’inévitable…

Non. L’arrivée de ce convoi à cet instant précis ne devait être que pure coïncidence. Le deuxième escadron n’était qu’une force assemblée à la hâte suite à la réception d’un appel de détresse.

— Dis au Commandeur Droog’an qu’il ne s’agit pas d’une embuscade, tonna Tsavong Lah. Dis-lui de lancer immédiatement les hostilités.

— A vos ordres, Maître de Guerre.

Leia se rendit compte que Han devait être impressionné par la taille et la puissance du groupe de combat ennemi qui manœuvrait pour les attaquer. Il poussa un long soupir, jeta un coup d’œil à Leia par-dessus son épaule et dit :

— Je suppose que l'Organisation des Esprits Unis des Jedi n’a aucune suggestion à faire à propos de ce qui va nous tomber sur le coin de la figure…

— J’ai bien peur que non, répondit Leia.

Le lien psychique était conscient qu’un affrontement allait se produire, mais restait assez peu clair sur la tactique à employer.

— Bon… souffla Han. (Il inspecta à nouveau ses écrans et alluma le canal de communication.) Ici le Capitaine Solo, dit-il à l’escadron. Nous ne pouvons pas prétendre égaler l’ennemi en termes d’effectifs ou de puissance de feu. Il va donc falloir faire appel à la vitesse, à notre flexibilité et… (Inquiet, il fronça les sourcils.)… et à notre brillant sens tactique, termina-t-il en essayant de rester optimiste.

Leia tendit la main et lui serra l’épaule.

— Allez, l’acrobate, tu vas les avoir ! dit-elle.

 

Le Ralroost encaissa un autre tir et tressaillit. Mais l’esprit de Jacen était enfoui dans la Force, observant la situation par les yeux des Jedi qui participaient au lien psychique. Son cerveau essayait tant bien que mal d’emmagasiner le plus possible d’informations provenant des ondes mentales. Par les yeux de Leia, il vit Han lancer son attaque éclair sur le plus imposant des groupes de combat ennemis, une formation trop nombreuse et probablement trop lente pour être en mesure de riposter rapidement. Par la perception de Madurrin, il sentit que l’escadron déjà bien éprouvé de Farlander éperonnait les Yuuzhan Vong, prenant à revers les appareils qui s’étaient attaqués à l’escadron de Kre’fey et infligeant des dommages considérables. Par les yeux de Kyp, de Corran et de Saba, il vit des décharges de feu, des coraux skippers incendiés, des frégates et des croiseurs ennemis se disloquer sous l’impact des bombes furtives.

Puis il sentit le désespoir de Jaina et la férocité de Lowbacca, portant secours à Tesar au cours d’un terrible duel pour la survie. Les doigts de Jacen se tordirent. Le jeune homme fut tenté de rejoindre la baie d’envol des chasseurs du Ralroost, d’embarquer sur son Aile-X et de partir à la rescousse de Jaina. Mais il savait qu’il servirait mieux la cause en demeurant sur le croiseur d’assaut, là où il pouvait concentrer l’attention des Jedi, là où il pouvait les aider à se percevoir les uns les autres dans l’espace, là où il pouvait coordonner leurs actions.

Jacen fit un bond lorsque la main de Kre’fey, couverte de fourrure blanche, se posa sur son épaule.

— Mon petit Jacen, dit l’amiral, notre champ de mines est enfin paré ! Maintenant, nous allons assister à la destruction de nos ennemis !

Kre’fey lança un ordre sur le canal de commandement.

Quelques minutes plus tard, surgissant de leurs cachettes le long des routes hyperspatiales du Noyau Profond, d’autres vaisseaux de la Nouvelle République firent leur apparition, escadron après escadron. De nouveaux esprits Jedi se joignirent au lien mental : Tahiri, Zekk, Alema… et la présence bouillonnante de Luke Skywalker.

Tous réunis pour le sprint final.

 

Les voxyns poussèrent encore plus de hurlements, détectant les nouveaux Jedi les uns après les autres. Leurs cris fatigués tenaient plus du gémissement que du feulement féroce. Les scarabées incandescents qui venaient de prendre leur envol pour marquer la présence des escadrons d’infidèles supplémentaires produisirent une étrange dissonance dans les oreilles de Tsavong Lah. L’image qui se dessinait dans le cerveau du Maître de Guerre, entretenue par les terminaisons cognitives du trône de commandement reliées à son crâne, indiquait clairement que l’ennemi était très supérieur en nombre, qu’il y avait dans l’espace bien plus d’infidèles qu’il n’aurait jamais pu l’imaginer.

Il lui fallut quelques instants pour comprendre pourquoi il détectait deux sensations différentes. Les infidèles étaient si nombreux que le Maître de Guerre ne disposait plus de scarabées incandescents en quantité suffisante pour marquer leur emplacement sur la carte.

La colère s’empara de lui. Quelle importance qu’il soit maintenant surpassé ? Quelle importance que ses forces aient été déviées de leurs positions pour être submergées ? Les Yuuzhan Vong étaient des conquérants ! Les dieux leur avaient promis la victoire !

Prestement, il réorganisa ses forces. Les groupes de combat de Yun-Harla et de Yun-Txiin étaient déjà engagés contre l’escadron ennemi initial et sa première vague de renforts. Localement, ils bénéficiaient encore d’une supériorité en nombre même si, dans un camp comme dans l’autre, les formations avaient été rompues, même si la bataille avait évolué en mêlée générale. Tsavong Lah ordonna à ses forces de redoubler d’efforts et de détruire les infidèles avant que les autres escadrons ennemis ne puissent intervenir.

Le groupe de combat de Yun-Yammka, qui avait ouvert les hostilités et qui, depuis, avait été laissé en plan par la manœuvre stupéfiante de demi-tour de l’escadron ennemi, s’était enfin rassemblé. Tsavong Lah décida donc de le sacrifier. Il ordonna à la formation de se projeter directement sur les lignes de renfort des infidèles pour les maintenir occupés pendant que lui-même essayait de remporter la victoire avec ses autres sections d’assaut.

— Do-ro’ik vongpratte ! répondit le commandeur du groupe lorsqu’il reçut l’ordre.

C’était le cri de guerre de la caste des soldats. Tsavong Lah éprouva une grande fierté en entendant la réponse déterminée de son commandeur, pourtant condamné à se sacrifier. Il savait que lui-même, ses vaisseaux et ses guerriers allaient à la mort, mais il acceptait avec joie de livrer une dernière bataille féroce.

Le groupe de combat de Yun-Q’aah, qui s’était lancé à la poursuite de cette petite force agile et rapide, ce deuxième escadron arrivé en renfort reçut l’ordre d’abandonner la poursuite et de se retourner contre plusieurs formations d’infidèles. Si le Commandeur Droog’an parvenait à manœuvrer habilement, il pourrait tenir occupés un grand nombre d’appareils ennemis sans se laisser submerger par leur quantité. Cela ferait gagner beaucoup de temps aux autres éléments de la flotte Yuuzhan Vong.

Restait la formation de réserve, le groupe de combat de Yun-Yuuzhan, directement sous les ordres de Tsavong Lah. C’était le seul détachement qui ne s’était pas encore lancé dans le combat contre l’ennemi. Il n’avait encore essuyé aucune perte et disposait toujours d’une très grande marge de manœuvre.

Tsavong Lah hésita pendant un moment, puis décida d’emmener son groupe de combat sur le champ de bataille, là où les groupes de Yun-Harla et de Yun-Txiin affrontaient les infidèles. S’il remportait la victoire sur ce front précis, il pourrait ainsi certainement bénéficier d’autres occasions favorables.

Il cria son ordre et ses forces se précipitèrent dans la bataille.

 

Tsavong Lah avait donc été attiré dans un piège. Grâce aux informations fournies par Nom Anor.

— Tu nous a trahis, dit Yoog Skell. Tu dois payer de ta vie !

Nom Anor glissa calmement sa main dans sa poche. Il s’empara d’une poignée de gelée blorash qu’il lança aux pieds de Yoog Skell.

Le Grand Préfet agita les bras pour essayer de conserver son équilibre à présent que ses pieds étaient collés au sol par la substance vivante. Il adressa à Nom Anor un regard mêlé de fureur et de surprise.

— Qu’est-ce que tu fais, Exécuteur ? demanda-t-il.

— Je vais aller chatouiller Shimrra de plus près, dit Nom Anor, surpris par le calme absolu de son comportement.

Il abattit son bâton Amphi sur le crâne de Yoog Skell. Le haut préfet sombra dans l’inconscience, les pieds toujours emprisonnés par les tentacules de gelée visqueuse.

Nom Anor observa le corps étendu de son supérieur, espérant ne pas l’avoir tué. Il avait toujours éprouvé une certaine sympathie pour Yoog Skell. Nom Anor devinait, bien entendu, ce qui avait dû se passer. Ses espions avaient été identifiés et abreuvés en fausses informations destinées à conduire la flotte Yuuzhan Vong dans ce piège. Le responsable de cette campagne de désinformation devait être quelqu’un de brillant pour être ainsi parvenu à disséminer des indices et laisser Nom Anor en tirer les conclusions qui s’imposaient.

Mais cela ne servirait à rien d’essayer d’expliquer à ses supérieurs comment l’ennemi s’était joué de lui, surtout dans le cadre d’un désastre militaire d’une telle envergure. C’est la tête de Nom Anor qu’ils exigeraient, pas ses explications.

Il était grand temps pour Nom Anor de disparaître, de passer un grimage Ooglith afin de dissimuler ses traits et de se fondre dans la caste des ouvriers anonymes. Une fois que les recherches se seraient calmées, il serait en mesure de se créer une nouvelle identité, une nouvelle vie, ce qui lui permettrait de quitter la planète. Mais où pourrait-il aller ? Il serait probablement pourchassé à travers tous les territoires contrôlés par les Yuuzhan Vong. Et s’il gagnait l’une des planètes de la Nouvelle République, il serait condamné à vivre pour toujours sous un déguisement, devenant ainsi l’objet de soupçons permanents, où qu’il aille.

Il décida de remettre ces réflexions à plus tard. Pour l’heure, il lui fallait se concentrer sur son évasion.

 

L’Escadron des Soleils Jumeaux ne comptait plus que huit chasseurs stellaires et, de tous ceux-ci, seul celui de Lowbacca était intact. Tesar avait perdu un moteur et la moitié de ses boucliers. Jaina avait perdu son déflecteur arrière et son aileron supérieur droit, ainsi que le laser qui y était attaché. Dans son cockpit flottait une odeur amère de sueur et de peur. Les autres appareils souffraient de dégâts plus ou moins importants. Ils avaient décoché tous les missiles et toutes les bombes qu’ils avaient en réserve.

Fort heureusement, ils n’avaient plus à se battre contre leurs ennemis. Ils avaient dépassé les grandes zones de bataille et les duels de chasseur à chasseur semblaient terminés. Les coraux skippers avaient été abattus ou avaient pris la fuite, seules quelques Ailes-B et Ailes-E éparses s’étaient lancées à leur poursuite.

Dans le lien mental Jedi, Jaina perçut que les autres participants se remettaient du choc des combats. Péniblement, elle tourna le nez de son appareil vers l’important affrontement qui se déroulait encore à proximité, là où Jacen, Kyp et les Chevaliers Errants se battaient encore. Elle reçut alors une caresse calme en provenance de l’esprit de son frère, bientôt suivie d’un message dans l’intercom.

— Non. Reste où tu es. Tu as déjà trop dégusté.

— Mais je sens que les autres continuent à se battre. Je ne peux pas rester là sans rien faire.

— Ne bouge pas. Les autres mettraient trop leurs vies en danger en essayant de te protéger.

L’ensemble des participants au lien psychique transmit son accord avec les propos de Jacen. Elle détecta leur unanimité, mais semblait toujours animée par le désir de ne pas abandonner ses camarades.

— Tu t’es honorablement acquittée de ta tâche, Jaina Solo, annonça Saba. Maintenant, ton devoir est de te protéger toi-même.

— Soleils Jumeaux, vous avez la permission de rentrer sur Ebaq Neuf.

L’information provenait de la lune, directement de leur centre de contrôle. Jaina sentit sa tension se relâcher. Te protéger toi-même… cela faisait bien longtemps qu’on ne lui avait pas dit une chose pareille. Sa bataille était terminée. L’annihilation de son existence, qu’elle avait tant crainte, à laquelle elle s’était même préparée, ne s’était pas produite.

— Bien compris, annonça-t-elle au centre de contrôle. (Elle bascula sur un autre canal pour s’adresser à ses pilotes.) Lowie, je veux que tu protèges Tesar. Les autres, en formation derrière moi.

Et, tout aussi péniblement, elle tourna le nez de son appareil vers le salut.

 

Jaina, Tesar et Lowbacca avaient fini par se poser sur Ebaq Neuf. Luke parvint à percevoir leur épuisement dans la Force, mais il sentit également que les trois jeunes Chevaliers essayaient toujours de transmettre énergie et encouragements aux autres participants du lien psychique Jedi.

Luke était assis sur la passerelle du croiseur Mon Calamari Harbinger, vaisseau amiral de Garm Bel Iblis, et se livrait à une partie d’échecs holographiques mentale contre le commandeur ennemi. La mission de Luke auprès de l’ancien héros de la Rébellion avait été un succès. Bel Iblis avait conduit jusqu’au Noyau Profond la moitié de la flotte originellement chargée de défendre Talaan et divisée en trois groupes d’assaut.

Un seul escadron de Yuuzhan Vong manœuvrait contre cette flotte – celui qui, quelque temps auparavant, s’était lancé à la poursuite de l’escadron de Han constitué des vaisseaux de l’Alliance des Contrebandiers. Son commandeur était malin et était parvenu à maintenir les trois divisions de Garm Bel Iblis occupées sans réellement se lancer dans l’offensive.

Mais les forces étaient déséquilibrées. Dans l’esprit de Luke, les Yuuzhan Vong ne disposaient plus que d’une seule pièce sur l’échiquier holographique, alors que les alliés en possédaient encore trois – quatre en comptant les appareils de l’Alliance des Contrebandiers. Luke prépara son coup avec l’aide du lien mental Jedi, réduisant ainsi les options de l’ennemi à deux choix : se battre et mourir ou bien prendre la fuite. Et il savait pertinemment que les Yuuzhan Vong n’étaient pas du genre à prendre la fuite.

Il ordonna aux trois divisions de converger sur l’ennemi.

 

Non… comprit Tsavong Lah. Finalement, son plan ne fonctionnait pas.

Il serra les dents de rage. Que Nom Anor soit écorché vif et que sa peau soit piétinée par les rakamats !

Les groupes de combat de Yun-Harla et de Yun-Txiin se battaient courageusement mais étaient, petit à petit, submergés par l’ennemi. Deux nouvelles divisions d’infidèles s’étaient jointes à la bataille, des troupes fraîches, bien entraînées et bien organisées. Les Yuuzhan Vong, eux, étaient éparpillés et absorbés par la lutte qui les opposait au premier escadron ennemi. Le groupe de combat de Yun-Q’aah était sur le point d’être pris en tenailles par les trois sections d’assaut ennemies. Le groupe de combat de Yun-Yammka s’immolait contre ses adversaires, comme on le lui avait ordonné, mais une telle bravoure s’avérait bien inutile car tout paraissait aller de travers. Seul le groupe de combat de Yun-Yuuzhan, dirigé par Tsavong Lah en personne, disposait encore d’une marge de manœuvre. Le Maître de Guerre avait prévu de se joindre aux groupes de Yun-Harla et de Yun-Txiin pour les aider à remporter au moins une victoire locale. Mais il se rendait compte que ce plan également était voué à l’échec. Tout ce qu’il réussirait à faire serait de faire durer un peu plus longtemps une bataille qui était déjà perdue d’avance, s’offrant lui-même en sacrifice sur l’autel de ses ennemis.

Un sacrifice… Le désespoir parut empoigner son cœur dans des griffes d’acier. Il se devait de mourir au combat. Après une défaite d’une telle envergure, Shimrra n’aurait probablement pas envie de lui laisser la vie sauve. Tsavong Lah aurait de la chance si on ne le dépeçait pas comme une vulgaire tête de bétail. Comme Ch’Gang Hool. Il aurait de la chance si on le sacrifiait aux dieux.

Un sacrifice…

Tsavong Lah se redressa brusquement sur son trône de commandement. Les lèvres serrées, il afficha un sourire terrifiant.

Un sacrifice. Bien sûr…

— Changement de trajectoire ! Cap sur Ebaq Neuf ! ordonna-t-il. Signalez au groupe de combat de Yun-Q’aah de rejoindre cette lune à la vélocité maximale !

Les Jeedai… songea-t-il. Les voxyns avaient hurlé dès qu’il avait amené la Flotte dans le système. Cela signifiait qu’il devait y avoir des Jeedai dans le système. Certains d’entre eux se trouvaient probablement dans les rangs de la flotte ennemie, mais Tsavong Lah imaginait qu’il devait bien y en avoir encore en poste sur la neuvième lune d’Ebaq.

Un sacrifice…

 

Luke, surpris, observa la division ennemie, celle contre laquelle il avait agi avec la plus extrême précaution, prendre de la vitesse et se disperser, chaque appareil semblant livré à lui-même. Les Yuuzhan Vong n’avaient encore jamais fui une zone de combat dans une telle pagaille. Les groupes de la Nouvelle République n’avaient pas été préparés à ce qui ressemblait à une retraite paniquée. Il y eut quelques petits affrontements sur le front de l’un des groupes de combat. Quelques vaisseaux étincelèrent dans la nuit cosmique avant de se désintégrer. L’ennemi prit alors la tangente et la Flotte tout entière se lança à sa poursuite.

Luke ne comprit pas où ses adversaires avaient l’intention d’aller. Ils ne semblaient pas prendre la fuite devant lui. Non, on avait plutôt l’impression qu’ils étaient en train de se précipiter sur quelque chose.

C’est alors, avec une certitude lugubre, qu’il comprit vers où ils étaient en train de se diriger. Et un nom se dessina dans son esprit.

Jaina.

 

— Je n’avais pas prévu cela ! (Ackbar abattit une de ses grosses mains sur l’accoudoir de son fauteuil.) Ah, mais quel idiot je fais !

 

Un nombre incalculable de vaisseaux défila dans l’esprit de Jacen. Il lutta de toutes ses forces, projetant sa perception dans toutes les directions, pour essayer de comprendre la signification de la nouvelle manœuvre de l’ennemi. Et soudain, il comprit. Et à cela succéda une violente décharge électrique à travers tout le lien mental Jedi.

Il essaya tant bien que mal de chercher une solution. Du calme. Il devina la présence de Vergere dans son esprit. Du calme. La Force va te dire ce que tu dois faire. Et Jacen devina. Il hurla des ordres à l’Amiral Kre’fey tout en projetant un message d’alerte dans la Force.

— Maman, tu dois intercepter cet escadron ! Sers-toi de tout ce que tu as à ta disposition !

Cela permettrait de tenir l’un des escadrons ennemis éloigné d’Ebaq, au moins pendant quelque temps.

Ce ne fut que quelques secondes après avoir transmis le message qu’il se rendit compte qu’il était peut-être en train d’envoyer ses parents vers la mort.

Jacen se leva de son siège et se tourna vers l’Amiral Kre’fey.

— J’ai besoin de mon Aile-X ! Maintenant ! cria-t-il.

Et, sans attendre qu’on lui en accorde la permission, il se précipita vers le turboélévateur.

— Jacen ? (Kre’fey parut le plus surpris de tous.) Jacen ! On a besoin de vous à bord du vaisseau amiral !

La cabine du turboélévateur n’était toujours pas arrivée au niveau du pont principal. Jacen, furieux et impatient, pressa à plusieurs reprises le bouton d’appel.

— Vous avez déjà remporté la bataille ! dit-il. Maintenant, il faut que j’aille sauver Jaina !

La fourrure blanche de Kre’fey se hérissa pendant que l’amiral observait le jeune homme. Des grondements distants retentirent dans la salle, attestant que les boucliers inadaptés du Ralroost étaient en train d’encaisser plus de tirs ennemis que de raison.

— Très bien, dit Kre’fey, faisant un petit signe de la main. Très bien…

Et l’amiral se tourna pour ordonner qu’on pilonne l’ennemi de plus belle.

 

— Han, il faut qu’on les arrête !

Solo jeta un coup d’œil à Leia par-dessus son épaule.

— Qu’on arrête qui ?

Leia tendit un doigt vers le moniteur.

— Mais l’escadron ennemi !

Han haussa les épaules.

— Ils sont en train de décamper et ils sont toujours supérieurs en nombre. Autant les laisser filer, non ?

La colère submergea alors Leia.

— Ils ne sont pas en train de décamper, ils sont en train de se diriger droit sur Jaina !

Il y eut un moment de stupeur avant que la situation ne se dessine enfin clairement dans l’esprit de Han. Brusquement, il adopta une expression sinistre.

— D’accord… (Il se tourna vers sa planche de bord et enclencha l’interrupteur du communicateur.) Ici Solo, annonça-t-il. C’est à nous de retenir les Yuuzhan Vong en attendant que le reste de nos forces nous rejoigne pour les éliminer une bonne fois pour toutes. Que chacun se choisisse soigneusement une cible. Attention, ça ne va pas être de la rigolade…

Il fit pivoter le Faucon Millennium vers ses adversaires et appuya sur la commande des gaz.

Les vaisseaux ennemis – des centaines et des centaines – se rapprochèrent.

— Garde un œil sur le moniteur, mon cœur, dit Han à Leia. Ça risque de chauffer et je ne voudrais pas que quelqu’un en profite pour nous attaquer dans le dos.

Han emmena l’escadron de l’Alliance des Contrebandiers en une colonne qui barrait la route aux Yuuzhan Vong. Cela signifiait que tous les canons alliés étaient braqués sur leurs adversaires alors que les Yuuzhan Vong n’étaient en mesure que de riposter au moyen de leurs armes de proue. Han s’apprêtait donc à détruire les premières lignes Yuuzhan Vong ou bien à les obliger à modifier leur course.

Les Yuuzhan Vong ne changèrent pas de trajectoire. L'Aventurier Errant fut le premier à ouvrir le feu. Ses énormes turbolasers projetèrent des rayons destructeurs colorés vers l’ennemi. Les uns après les autres, les vaisseaux de la division alliée ouvrirent le feu à leur tour. Leia entendit le bourdonnement rythmique des turbolasers manipulés par les Noghri qui entraient en action. Des tirs de riposte commencèrent à s’écraser contre leurs boucliers.

 

Jaina sentit une goutte de sueur glacée couler dans sa nuque.

— Tout le monde aux chasseurs ! annonça-t-elle aux membres de son escadron. On décolle et on va se cacher de nos ennemis !

— Négatif, chef Jumeau.

Le Général Farlander en personne avait tonné l’ordre sur le canal de communication, ce qui en disait long sur l’importance de la décision. En arrière-plan, Jaina devina des cris, des murmures et des déflagrations, témoignant que le grand vaisseau était en plein combat.

— Rejoignez les puits de mine et refermez les portes blindées derrière vous, dit Farlander. On colle au plan. Vous serez capables de tenir plusieurs heures dans les corridors et nous viendrons vous récupérer avant même que vous ne vous en rendiez compte.

— Le général a raison, siffla Tesar. (Sa puissante queue fouetta le sol de droite à gauche.) Nos chasseurs stellaires sont beaucoup trop endommagés pour que l’on parvienne à s’enfuir sans encombre. La plupart d’entre nous pourraient y rester.

Jaina hésita en dévisageant les pilotes rassemblés autour d’elle. Elle hocha la tête. Y rester. Tesar avait certainement raison.

— Bien compris, Général, dit-elle.

Tout autour d’elle, le centre de contrôle d’Ebaq Neuf commençait à se préparer au choc imminent. Deux escadrons de Yuuzhan Vong étaient en route pour les attaquer.

« On suit le plan », avait déclaré Farlander. Mais ça, ça n’était pas prévu par le plan. Le plan prévoyait que, lorsque les diverses flottes de la Nouvelle République débarqueraient sur le théâtre des opérations, les Yuuzhan Vong comprendraient qu’on leur avait tendu une embuscade. Ils étaient censés s’enfuir ou bien se battre jusqu’à la mort. Le plan n’avait pas prévu que les Yuuzhan Vong iraient jusqu’à assaillir la neuvième lune d’Ebaq, une lune qui ne représentait aucun objectif militaire d’importance.

— Bon, dit Jaina, par ici…

Les pilotes épuisés sortirent du centre de commandement en traînant les pieds. La gravité était toujours erratique : ils pouvaient effectuer quelques pas en marchant normalement et puis une simple foulée pouvait brusquement les catapulter vers le plafond. Ils empruntèrent un aéroglisseur qui les emmena jusqu’au puits principal descendant vers le noyau de la petite lune. A partir de là, de multiples tunnels d’excavation partaient en ramifications vers les zones d’exploitation. Plusieurs de ces corridors avaient été équipés de portes blindées en duracier, destinées à retenir les forces ennemies pendant plusieurs heures.

Jaina arrêta le véhicule près du bunker qui avait été transformé en arsenal.

— Dorénavant, il va falloir partir du principe que tout risque d’aller de travers, annonça-t-elle.

— Les voxyns… gronda Lowbacca. Comment les choses pourraient-elles s’améliorer ?

— C’est pour cela que je tiens à ce que tout le monde soit équipé, dit Jaina en hochant la tête. Blasters, armures, grenades, lance-grenades, mines à explosion programmable. Et combinaisons spatiales. Ici, tout est pressurisé. Pour l’instant. Et ce qui est pressurisé peut tout aussi bien être dépressurisé…

Tesar poussa le sifflement caractéristique du rire des Barabel.

— Le Major parle avec sagesse, dit-il.

 

Le turboélévateur n’en finissait pas de descendre vers la baie d’envol des chasseurs. Jacen se servit de son comlink privé pour prévenir son droïde astromécanicien de préparer l’appareil au décollage.

Le lien mental Jedi résonnait toujours dans sa tête. Jacen sentait que son anxiété s’était projetée sur les autres et qu’elle était en train de rebondir vers lui, pareille à un écho. Il se rappela que le lien mental n’avait cessé de se détériorer sur Myrkr, au fur et à mesure que les Jedi avaient été blessés, tués ou bien contraints de se battre à rencontre de toute stratégie. Il essaya de garder ses inquiétudes pour lui et d’éviter de les transmettre aux autres.

Le turboélévateur s’arrêta brusquement. La cabine venait d’atteindre un pont principal et tous les ponts principaux étaient scellés et isolés les uns des autres pendant les combats.

Jacen projeta les ondes de la Force et tordit les portes de l’ascenseur pour les ouvrir. Il courut jusqu’à l’un des sas internes qui permettaient de passer d’un pont à l’autre. Il attendit encore une éternité, le temps que le sas se pressurise, et put enfin s’engager dans l’étroit escalier en spirale qui descendait au pont inférieur. Jacen fit appel à la Force pour voler en douceur dans l’escalier et atteignit enfin le sas qui conduisait à la baie d’envol des chasseurs.

Il ne fut guère surpris de constater que Vergere l’y attendait. Elle leva la main.

— Où comptes-tu aller comme ça ?

Jacen ne ralentit pas l’allure.

— Aider Jaina.

— Tu ne peux pas l’aider. Ebaq est attaquée par un escadron de vaisseaux capitaux. Toi tout seul, à bord de ton petit chasseur, tu ne pourras pas faire grand-chose.

— Il faut que j’essaie.

Jacen força l’allure. Son Aile-X était toute seule dans la baie, rangée à côté d’une Aile-A partiellement démontée et dont les armes et les capteurs avaient été récupérés pour réparer d’autres appareils.

— Arrête. Ce n’est pas ton destin !

— Peut-être pas, mais c’est ma famille !

Vergere suivit Jacen, se servant de la Force pour augmenter ses foulées et suivre le rythme soutenu du jeune homme.

— Et qu’espères-tu accomplir, à part peut-être courir à ta perte, hein ? demanda-t-elle.

La colère se déchaîna dans l’esprit de Jacen. Il s’arrêta et se tourna vers elle, posant la main sur la crosse de son sabre laser.

— Et tu comptes m’en empêcher, demanda-t-il en retour.

Vergere se posa sur le pont et baissa la tête doucement autant que tristement.

— Je ne t’en empêcherai pas, Jacen Solo. Tu as choisi ta destinée. (Ses yeux brillèrent.) Et tu dois en accepter les conséquences.

Jacen fit volte-face et bondit dans son cockpit. Il ferma la verrière et mit son casque. Dans la Force, il sentit une terreur froide gagner les nerfs de Jaina.

Il alluma un canal de communication et demanda au centre de contrôle du Ralroost l’autorisation de décoller.

 

Le Faucon Millennium rasa la surface du croiseur ennemi, ses quadrilasers mitraillant autant la coque du vaisseau Yuuzhan Vong que les coraux skippers qui se trouvaient à portée de tir. Les pilotes Yuuzhan Vong, à bord de leurs chasseurs, faisaient face à un sérieux problème : ils avaient toutes les peines du monde à viser l’agile et rapide cargo corellien et tiraient le plus souvent sur leur vaisseau capital. Han Solo, de son côté, s’appliquait à compliquer encore davantage la situation. Les Yuuzhan Vong avaient déjà bien attaqué la coque de leur allié et Solo n’avait pas l’intention de les laisser s’arrêter en si bon chemin. Mais le Faucon Millennium n’avait rien d’un bombardier à proprement parler. Les torpilles à protons et les bombes furtives disposaient de la puissance nécessaire à la désintégration d’un vaisseau capital, mais le Faucon Millennium ne transportait ni les unes, ni les autres. Il en était de même de la Dame Chance de Lando et du Wild Karrde de Talon. Ces appareils avaient été conçus et construits pour échapper aux patrouilles, pas pour éliminer des cibles de si grande taille.

Il fallait donc improviser. Han avait deviné que le meilleur moyen de détruire un gros navire Yuuzhan Vong était de laisser les Yuuzhan Vong eux-mêmes s’en charger. Et c’était exactement ce qui se produisait. L’un des appareils Yuuzhan Vong se glissa entre le croiseur et le Faucon Millennium dans le but de tirer sur le cargo sans risquer de toucher son allié par inadvertance. Le pilote du corail skipper, cependant, semblait avoir oublié la présence de Meewahl, le garde du corps de Leia, installé dans la tourelle inférieure. Meewahl poussa un long miaulement de joie à l’apparition de cette cible et décocha une volée de rayons sur son adversaire. Le pilote ennemi fut probablement touché ou bien aveuglé par l’intensité des tirs. Il perdit le contrôle de son corail skipper et s’en alla heurter la coque du croiseur. Ses réserves d’armement explosèrent au moment de l’impact, déchiquetant les flancs du vaisseau géant et produisant une immense plaie béante en proie aux flammes.

Han s’éloigna de la proue du croiseur et se lança dans une série de manœuvres d’évasion frénétiques pour disperser ou décourager les coraux skippers qui le talonnaient encore. Derrière lui, l’immense vaisseau trembla de toutes ses structures suite à une série d’explosions secondaires en chaîne qui perforèrent sa coque. Le navire dévia de sa trajectoire, entamant un large virage car les basals dovins utilisés pour sa propulsion avaient été détruits sur tout un côté alors que les autres continuaient de fonctionner, décrivant un mouvement semblable à celui d’une barque que l’on fait pivoter en poussant sur une rame tout en tirant simultanément sur l’autre.

Encore un vaisseau qui ne s’intéressera pas à Jaina. La flotte de Bel Iblis pouvait très bien se charger d’achever le travail.

Han jeta un coup d’œil à Leia, assise dans son fauteuil de copilote, serrant tellement les poings que ses jointures en étaient toutes blanches.

— Où en est-on ? demanda-t-il.

Elle secoua la tête.

— Bel Iblis a bien fait le ménage à l’arrière, mais nous sommes toujours le seul obstacle entre les Yuuzhan Vong et Ebaq Neuf.

— Bon, trouvons-nous vite une nouvelle cible, répondit Han.

L’escadron de l’Alliance des Contrebandiers réalisait certes des prouesses en vol, mais il était toujours inférieur en nombre et beaucoup de ses vaisseaux, à l’instar du Faucon Millennium, n’étaient pas conçus pour le combat spatial à grande échelle. Fort heureusement, l’ennemi paraissait perturbé par la nature même de l’attaque : l’Alliance ne présentait aucune uniformité d’appareils et aucune tactique logique. Ce qui signifiait que les deux camps étaient obligés d’improviser. Et les contrebandiers s’avéraient dans l’ensemble beaucoup plus experts en matière d’improvisation que les Yuuzhan Vong.

— Attention !

Au cri de Leia, Han tira sur ses commandes détrempées de sueur et réussit à éviter d’être éperonné par l’immense Aventurier Errant, le seul vaisseau capital réellement sous ses ordres. Le destroyer stellaire pilonnait l’ennemi dans toutes les directions.

En retour, en tant que plus grosse cible républicaine, il faisait l’objet d’une attention particulière de la part des opposants. Booster Terrik fonçait la tête la première sur les vaisseaux capitaux ennemis les uns après les autres, essayant de les forcer à modifier leur cap. Une tactique à très haut risque mais qui, jusqu’alors, s’était montrée assez efficace. Peut-être les Yuuzhan Vong se souvenaient-ils de la manière dont le Lusankya avait éperonné l’un de leurs vaisseaux-mondes à Borleias.

Han repéra dans la mêlée deux vaisseaux contrebandiers. Tous deux étaient équipés de lance-torpilles à protons.

— Vous deux, suivez-moi, leur dit-il. Je vous ouvre la route.

Il les emmena pour une nouvelle attaque éclair contre les Yuuzhan Vong.

Et enfin, au terme de nouvelles attaques, il vit le groupe de combat ennemi se détourner de son objectif.

 

Tsavong Lah poussa un grondement de triomphe lorsque le groupe de combat de Yun-Yuuzhan, qui n’avait subi aucun dommage, arriva près d’Ebaq Neuf. A son tour, il avait réussi à prendre les infidèles par surprise.

— Ouvrez le feu sur leurs boucliers ! commanda-t-il. Kusurrun, vous allez plonger sur les déflecteurs qui protègent le centre de commandement de l’ennemi à vitesse maximale ! Section Victoire, suivez le Kusurrun jusqu’aux boucliers et bombardez tout pour lui ouvrir la voie.

Pendant que les autres vaisseaux tenaient tête aux Forces de Défense, le Kusurrun entamait son plongeon mortel vers la petite lune. La frégate produisit un impact colossal sur les bouchers et les débris volèrent au milieu des éruptions de plasma. D’autres vaisseaux plongèrent à sa suite, leurs basals dovins braqués vers l’avant afin de dévorer ou de surcharger les boucliers républicains.

Sans succès. Mais le Maître de Guerre n’avait pas dit son dernier mot. Il disposait encore de beaucoup de temps avant que les escadrons ennemis ne l’atteignent. Tsavong Lah ordonna à une autre frégate d’aller s’immoler, puis il médita sur le reste de la bataille. Des scarabées, silencieux et immobiles, représentaient les centaines d’appareils détruits. Ses forces étaient submergées, même en comptant le groupe de combat de Yun-Q’aah, à qui il avait ordonné de se ranger à ses côtés. Décidément, ce petit escadron hétérogène qui s’interposait lui causait bien du souci.

— Attention ! A tous les groupes de combat ! ordonna-t-il. Une fois que nos troupes se seront posées sur Ebaq, vous avez ordre de vous replier dans l’hyperespace et de regagner Yuuzhan’tar. Cette bataille est perdue, mais vous devez préserver vos vies et vos vaisseaux pour les batailles victorieuses qui suivront bientôt. Le groupe de combat de Yun-Yuuzhan va protéger votre retraite. (Il retroussa ses larges lèvres pour livrer son dernier message, qu’il cria sur un ton de colère et de défi et qui retentit dans toute la salle.) Gloire à nos dieux ! Longue vie à Shimrra, le Suprême ! Do-ro’ik vong pratte !

Les commandeurs de groupes de combat – ceux qui n’avaient pas péri – lui retournèrent le salut des guerriers.

Les boucliers d’Ebaq Neuf tressaillirent sous le coup de boutoir de l’autre frégate. Tsavong Lah se rassit sur son trône et ordonna à un autre de ses vaisseaux capitaux d’aller se sacrifier pour éperonner les déflecteurs.

— Préparez l’oggzil, dit-il.

Un de ses subalternes attacha les tentacules préhensiles de la créature à l’un des villips utilisés pour les communications. Tsavong Lah se détacha des terminaisons cognitives du trône de commandement et descendit de son estrade. Il tenait à délivrer son prochain message en personne.

Le temps qu’il arrive jusqu’au villip, l’oggzil l’avait déjà entièrement enlacé dans ses tentacules et laissait pendre ses longues antennes de part et d’autre de la créature sphérique. Tsavong Lah prit la chose dans une main, la regarda et se força à sourire.

Sachant parfaitement que l’oggzil allait diffuser ses propos et son image sur les fréquences de la Nouvelle République, il déclara maladroitement en Basique :

— Ici le Maître de Guerre Tsavong Lah. Nous organisons une chasse aux Jeedai sur Ebaq Neuf ! Tous les Jeedai sont invités à participer !

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